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Il n'est pas bon de s'aventurer de trop [Pv : Eliane]

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Il n'est pas bon de s'aventurer de trop [Pv : Eliane] Empty Il n'est pas bon de s'aventurer de trop [Pv : Eliane]

Message par Dallan Mael Mar 19 Juil - 16:14

L'arbre. Il était grand, gigantesque même. Dallan l'avait parfaitement compris, bien qu'il ne puisse pas l'affirmer de ses propres yeux. Depuis le peu de temps qu'il était arrivé, ce devenu habitant pour l'éternité n'avait pas osé s'aventurer de trop dans l'espace. Pourtant, il en mourrait d'envie. En lui était née une espèce de curiosité, encore inassouvie. C'est à cause de cette nouvelle sensibilité, pensait-il sans se tromper. Celle lui offrant le pouvoir d'avancer un pied devant l'autre sans craindre de perdre tous ses repères. Qui donc pouvait se targuer de le guider plus ou moins dans ce lieu ? L'arbre, le monde lui-même ? C'était encore un point obscure, qu'il ne cherchait pas à élucider pour le moment, trop joyeux d'acquérir une sorte d'indépendance.

Ses doigts glissaient le long de l'écorce, se rassurant ainsi par cette présence. Où était-il ? Il n'en avait aucune idée, peut-être tout en bas, certainement pas tout en haut. Tout du moins ses prunelles restaient lamentablement baissées sur un sol qu'il était incapable de voir. Il n'avait prononcé que peu de mots, depuis qu'il avait débarqué à Félinia. Sa timidité le dévorait, sombre démon, ayant depuis longtemps volé la place au gamin enjoué qu'il avait un jour été. Et même, qu'est-ce qu'il aurait bien pu dire ? Qu'il était mort et qu'il se demandait où il était tombé ? Non, il n'avait pas envie de ressasser son décès avec un quidam. Quoi que ce n'était pas vraiment sa propre mort qui le troublait, mais plutôt ce qui gravitait autour. La culpabilité de cette amie ayant lâchée sa main entre autre. Cette amère pensée, le fit étrangement avancer. Il avait ce soudain besoin de marcher, de se changer les idées.

Pas à pas, il découvrait. Sa main, toujours nerveusement appuyée contre le bois, sondait avec la délicieuse fébrilité du lecteur de braille, les veines qui parvenaient à se frayer un chemin dessus les murs. Soudain, son pied tapa contre ce qui lui sembla être une marche. Il soupira légèrement, ayant manqué de ridiculement se vautrer. « Un escalier... Dans un arbre ? » se murmura-t-il perplexe, avant de hausser les épaules. Était-ce vraiment la chose la plus étonnante ici ? Bonne question. Pour le savoir il lui fallait entreprendre de grimper les dites marches, ne sachant même pas où ça le mènerait. Mais n'ayant qui plus est, pas vraiment d'autre but que de vagabonder dans l'arbre, il choisit de s'aventurer dans les hauteurs.

Après un périple de plusieurs minutes à errer dans un escalier quasiment interminable et dont l'architecture lui semblait ostensiblement incompréhensible pour sa cécité, il atterrit dans un endroit aéré. Enfin, c'est l'impression qu'il eut en sentant une brise couler sur son visage, puis dans ses cheveux. Ses oreilles perçurent le vague bruit d'un feuillage troublé par le vent. Bon, soit, il était toujours dans l'arbre, mais la grande question était où, exactement ? A la fois serein et mal à l'aise, il passa une main ennuyée sur ses yeux éteints, avant d'être poussé en avant par l'irrésistible envie de pénétrer d'avantage ce nouvel espace offert à ses sens.

Cependant, il eut comme un vague problème. D'un coup, il perdait tout contact avec l'arbre, se retrouvant au milieu d'un grand vide. L'air déboussolé, il avança une main devant lui, cherchant là, quelque chose comme un point de repère. Pas de canne, pas de chien, il se sentait très seul et surtout stupide. Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris de faire si peu attention. Son assurance s'envola comme feuille poussée dans le vent, et il s'accroupit à même le sol, la tête entre les mains. « Mais quel idiot... » se maudit-il tout bas, incapable de revenir sur ses pas.


Dernière édition par Dallan Mael le Mer 20 Juil - 1:26, édité 1 fois
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Message par Éliane Mar 19 Juil - 17:58

Comme souvent, Éliane se trouvait assise au bord de la terrasse, contemplant la clairière. De l'herbe à perte de vue, quelques arbres ici et là. Tout respirait la tranquillité. Le ciel lui même était d'un bleu profond, sans le moindre nuage. La chaleur n'était pas non plus étouffante, grâce à une légère brise parcourant la terrasse. Comme d'habitude, le spectacle d'une telle tranquillité rendait Éliane pensive. Elle était réellement heureuse de pouvoir profiter de ce lieu. Elle ne remercierait jamais assez l'arbre pour l'avoir créé. Une vie de paix lui avait été accordée en échange de simples soins à apporter à un arbre qu'elle chérissait plus que tout. Elle sourit tout en scrutant l'horizon où elle pouvait voir apparaitre différentes personnes ici et là, sur le point de découvrir l'arbre ou simplement de retour pour profiter de la sérénité du lieu.

Elle se devait de rendre le lieu magnifique. Non seulement pour remercier l'arbre, mais pour aider les habitants et les visiteurs à profiter de leurs séjours. Elle voulait réussir à illuminer leurs journées comme l'arbre le faisait simplement. A cette pensée, elle se leva pour prendre soin des branches dépassant de la terrasse. Elle ne coupait jamais aucune branche. Après tout, la beauté du lieu en découlait. il fallait laisser ce certain chaos régner afin que tout soit présent pour toucher le cœur des personnes. Après tout, les enfants ne prennent ils pas sincèrement plaisir à grimper dans les arbres les plus sauvages? Ce lieu était selon Éliane un moyen de retrouver justement ce cœur d'enfant. Non, Éliane ne coupait jamais rien.

Son travail était tout de même consistant. De part sa motivation, elle pouvait passer des journées et des journées à réfléchir à de nouvelles plantes, à de nouveaux arbustes à planter. Elle s'imaginait ensuite où les planter, comment. Elle devait toujours prendre en compte le fait qu'elle ne coupe rien, ce qui ne facilitait pas la tâche. Éliane était en fait une sorte d'architecte. La différence résidait dans ses outils: fleurs, plantes, arbustes et arbres uniquement. Bien sur, elle passait aussi beaucoup de temps à simplement arroser l'arbre et ses plantes. Un arbre de cette taille demandait une quantité importante d'eau pour être suffisamment hydratée pour ne pas voir ses feuilles dépérir. De plus, à lui aussi, il fallait de la compagnie. À chaque fois, Éliane lui racontait ses aventures du jour et le flattait afin que ses feuilles donnent leur plus beau teint. Cela ne durait jamais plus de cinq minutes, mais elle était persuadé qu'il en avait besoin.

Elle grimpa sur une des branches avec son arrosoir qu'elle avait préalablement rempli à l'évier de la terrasse. Elle inonda d'eau chaque feuille, avant de câliner la branche à laquelle elle était accrochée. " Mon petit arbre, je ne te remercierai jamais assez pour m'avoir permise d'être là". Elle installa ensuite deux, trois pots de fleurs entre deux branches de l'arbre. Elle avait prévu qu'en grandissant, les branches de l'arbre s'accapareraient de ces fleurs roses et mauves. Elle se laissa glisser hors de la branche à la manière d'un toboggan, ayant toute confiance en l'arbre: il ne la laisserait jamais tomber. Alors qu'elle atterrissait silencieusement à terre, elle aperçut un jeune homme arriver dans la salle.

Il semblait perdu. Elle le vit s'accroupir et mettre la tête entre les mains. Bien qu'elle n'était pas d'un naturel à aller facilement vers les autres, elle sentait qu'elle ne pouvait pas le laisser seul ainsi. Il avait l'air tellement perdu. Il devait être nouveau... Elle avança très lentement n'osant pas l'interpeler franchement. Peut être n'était-ce qu'une impression et allait-elle le déranger dans une grande réflexion? Elle le regarda de nouveau pour en être sur. Non... L'aura qu'il dégageait était bien triste. Mais comment aider une personne triste? Éliane n'était assurément pas une professionnelle de la chose. Elle n'avait que peu d'ami, voire aucun. Les rares fois où elle avait essayé de consoler quelqu'un avait été un carnage. Non, elle allait devoir être sensible cette fois-ci et y aller en douceur. Tout en douceur, en réfléchissant à chaque mot. Surtout ne pas blesser d'avantage. Pour commencer, un simple salut serait bien.

Elle était arrivée à sa hauteur. Elle ne savait pas quoi dire, quoi faire. Il devait probablement avoir aperçu son ombre à travers ses mains. Elle ne pouvait pas rester plantée là sans rien faire plus longtemps. Elle s'abaissa à sa hauteur, inclina sa tête et toucha doucement son front avec son index droit: " Ça va toi? "

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Message par Dallan Mael Mar 19 Juil - 19:24

Le monde est ténébreux, mystérieux et dangereux. Au coin d'une rue, peut débouler la mort sans qu'on ne la voit, sans qu'on n'ait le temps de se préparer. Chaque pas dans la vie n'offre qu'un moyen de plus pour appréhender la fin. Grimpant les échelons jusqu'à parvenir au sommet de l'échelle, on a plus qu'à regarder tout en bas, les genoux tremblants, avant de finalement se laisser tomber. Un cycle éternel, monter, descendre, puis chuter et remonter. Dés l'enfance d'ailleurs. La première fois sur le vélo, la première chute. Encore, non, toujours...
Mais comment fait-on quand justement on ne voit pas ce que l'on grimpe ? Quand on avance à tâtons sans jamais se douter de ce qu'il y a au bout du couloir. Un tunnel sombre, indéterminé se met en place devant les prunelles éteintes. Le souffle est suffoquant, claustrophobie qui nait. Le courage disparaît. On perd pied, on s'arrête, on s'accroupit et on s'entête, dans les mains sa tête.

Dallan en est réduit à ça à présent. Parce qu'il a quitté le toucher rassurant de l'arbre, il ne sait plus où il est. Reculer est chose impossible, puisque la notion d'orientation est presque absente avec cette cécité infernale. Combien de temps restera-t-il ainsi, replié sur lui-même ? Pour le moment il ne le savait pas, n'y pensait même pas. Le poids de l'inconnu le traversait. La brise ne l'aidait pas à déterminer l'endroit où il est. Un balcon ? Qu'en sait-il, et ne serait-il pas dangereux d'aller chercher les limites ? Et s'il n'y en avaient pas ! Après tout l'arbre regorgeait de surprise, rien que l'escalier en était une. Il se mordit la lèvre. Il n'aimait pas cette situation. Ça lui rappelait ses débuts dans le handicap. Quand il était incapable de comprendre la subtilité de ce qui l'entourait, de se fier d'avantage à ses autres sens, plutôt que de rester bloquer sur sa vue devenue absente.

Malgré l'angoisse qui l'assaillait, aucun son ne sortait d'entre ses lèvres. Il était beau l'aveugle, recroquevillé sur lui-même, trouvant encore la force d'être intimidé alors qu'il aurait mieux fait d'appeler à l'aide. Mais n'ayant jamais eut besoin d'appeler les autres au secours auparavant, il ne savait pas comment le faire sur l'instant. Et qui lui disait qu'une personne était dans le coin ? Peut-être était-il seul à des kilomètres à la ronde. Au moins avait-il l'éternité pour attendre qu'on le découvre là, gamin désorienté.

La tête toujours cachée dans ses mains, il fut incapable de remarquer l'approche d'une personne. Aussi, se mouvait-elle dans un tel silence, qu'il ne l'aurait pas entendu venir, même en temps normal. Un fin souffle d'air l'informa pourtant qu'une présence s'abaissait devant lui. Eut-il en tout cas un horrible sursaut quand on lui toucha le front et il bascula en arrière, sur ses fesses, tandis que ses mains se plaçaient de part et d'autres de lui, pour avoir un minimum de repère. Il cligna machinalement des yeux, ses pâles prunelles regardant devant lui, sans voir l'inconnue. Oui, une femme... Sa courte question lui avait au moins permit de déterminer son sexe. Il ne l'avait du tout vu arriver. Qui était-elle ? Que faisait-elle là ? Était-elle humaine ? Se demanda-t-il encore sous le coup de la surprise. Puis, il approcha une main fébrile de sa personne, avec ce besoin de sentir sa présence. Ses doigts se posèrent sur un tissu et il lâcha un soupir rassuré. Il ne savait même pas de quoi il avait peur. Peut-être que ça soit un fantôme ? Quoi que lui n'était pas bien placé pour penser ceci, vu qu'il était mort.

Il ne retira pas sa main du tissu, le resserrant même entre ses doigts, trop soulagé d'avoir un point d'ancrage. Ses yeux, il ne le savaient pas, étaient légèrement tournés ailleurs que sur elle, montrant qu'il ne la regardait pas enfaîte. « Je... n'ai pas de point de repère » lâcha-t-il d'une voix presque inaudible, à la fois paniqué et intimidé. Pourvue qu'elle le ramène sur la terre ferme, qu'elle ne l'abandonne pas à son sort, là, au milieu de ce grand vide noir. Et il espérait qu'elle n'aille pas se moquer de lui. Pourquoi ferait-elle une telle chose ? Sans doute parce qu'il avait l'impression de ressembler à un trouillard.
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Message par Éliane Mer 20 Juil - 12:32

Éliane ne pensait assurément pas que son geste provoquerait une telle réaction. Elle sursauta elle même lorsque le garçon bascula en arrière. Avait-elle vraiment bien fait de le toucher? Elle l'observa un instant. Il clignait des yeux. Son regard semblait très lointain, il fixait le vide. La snobait-il volontairement? Éliane ignora ce détail: elle n'était pas le genre de personne à se vexer pour des broutilles. Elle fut tirée de ses réflexions lorsqu'elle sentit qu'on avait attrapé un volant de sa robe. Elle baissa les yeux et vit que le jeune homme serrait fortement ce bout de tissu. Elle réalisa alors qu'il devait être aveugle. Ce regard perdu, cette difficulté à se mouvoir ne trompait pas.

Elle n'avait jamais rencontré d'aveugle sur Felinia. Elle ne savait pas trop comment l'aider. Que disait-on d'eux dans les livres...? Apparemment, les aveugles ont l'habitude dans le monde réel de se déplacer grâce à un chien, une canne ou leurs amis. Ici, rien de tout cela n'était présent pour aider le pauvre garçon. Il ouvrit la bouche alors qu'elle était perdue dans ses pensées. Pas de point de repères? Effectivement, seule sur cette terrasse, lorsque nos yeux nous ont abandonnés, ce ne doit pas être facile. Elle se mit à sa place. Quelle peur doit-on ressentir lorsque l'on arrive dans un tel lieu sans ne rien connaitre, et ne rien pouvoir voir...

Elle réalisa que ses efforts pour rendre ce lieu merveilleux étaient vains face à lui. Elle n'avait jamais réfléchi aux odeurs qu'elle pourrait donner aux lieux. Elle allait désormais réfléchir à un moyen de rassurer, de réconforter par l'odeur des fleurs, des plantes. Certaines ont une odeur plus froide que d'autres. Elles les éviteraient afin de n'effrayer personne. Depuis le temps qu'elle entretenait ce jardin, elle aurait du y réfléchir plus tôt... Elle prononça un très léger "Désolé" .

Les quelques mots qu'il avait prononcés lui avait semblé être un léger appel à l'aide. Au lieu d'attendre de savoir ce qu'elle pouvait faire pour remédier au problème, elle décida de l'aider à sa manière: par les fleurs. Avant d'attendre une quelconque réaction de sa part, elle posa doucement sa main sur la joue du jeune homme. Elle faisait son maximum pour qu'il ne sursaute pas de nouveau. De son autre main, elle caressa délicatement le bras du garçon qui était avancé vers elle afin qu'il lâche sa robe et qu'elle puisse ainsi se mouvoir en toute liberté. Elle prit sa voix la plus douce: "N'aie pas peur. Ne bouge surtout pas, je reviens tout de suite." et se leva à la suite de ces mots.

Éliane était en fait partie chercher parmi ses fleurs laquelle pourrait le plus rassurer le jeune homme. Elle choisit du jasmin, pour son odeur forte, chaude. Elle revint très vite vers le garçon et posa les fleurs dans les mains du jeune homme. " Tu es ici au sommet de l'arbre, sur la terrasse. Tu es peut être confus en ce moment, les odeurs se mélangent toutes. Mais ne t'inquiète pas, je vais essayer de travailler pour que les fleurs deviennent ton nouveau point de repère!" Elle sourit, bien qu'il ne put l'avoir. Elle en avait l'habitude, ce n'est pas ça qui allait l'empêcher d'être naturelle. De plus elle avait entendu que sourire donnait influençait le timbre de voix. Elle reprit : "En attendant, je suis là pour toi." Pour Éliane, c'était la moindre des choses. Elle qui donnait tant d'importance à son travail, elle avait le triste sentiment qu'elle avait finalement échoué. Elle devait se rattraper, et l'aider était un bon moyen pour cela.
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Message par Dallan Mael Mer 20 Juil - 16:04

Se retrouver bloquer. Comme dans une cage ou encore enchainé. Ne pas pouvoir bouger, puisque autour de soit tout n'est qu'obscurité. C'est un mal aise incessant. Une faiblesse qui donne envie de frissonner, qui fait basculer. Les notions ne sont plus les mêmes. Un simple défaut dans le sol peut se transformer en démoniaque instrument de torture. Il suffit que le pied s'y prenne, qu'il l'entraine inéluctablement au sol. Là, les repères sont modifiés, les choses transformées. Qui pourrait croire que la cécité change autant la... vision du monde que l'on a. On recalcule tout. La notion de kilomètre devient vague. Tout juste sait-on que c'est large. A moins que comme Dallan, on ne soit pas tombé dans les lacs aveugle dés la naissance.

Défaut encore plus cruel. Abandon de la vue, quand on venait tout juste d'y prendre goût. 13 années à voir, pour ensuite ne plus... voir. Nombre maudit, allant du vendredi où certains s'espèrent quand même chanceux. Faut-il encore être superstitieux. Dallan l'est un peu. Le monde dans lequel il est, est également une superstition. Trop de beauté, pense-t-il, lui qui jamais ne pourra les contempler. Mais il s'y fait, comme à tout.

Pouvoir de l'humain à s'habituer, se référer à de nouvelles normes. Pour le moment, sa norme à lui est l'Arbre. Près de lui, il ressent le monde, il est capable d'avancer sans se perdre. Mais il suffit de s'éloigner, pour complétement crouler. Ployer sous l'inconnu, la nouveauté, le risque enfaîte. Fausse aux lions, qui ne seront repérés que par le bruit de leur grondement. Et elle, cette inconnue à la voix si posée, est-elle un lion ? Un chacal prêt à le dévorer ? Non, il le sent, elle est douce. Sa voix n'est qu'un murmure à son oreille, une apaisante sensation qui calme les battements de son cœur tout troublé de son arrivée.

Ses doigts sont encore serrés sur sa robe. Autour d'eux, il parvient à sentir des odeurs florales. Un grand nombre. Elles se mélangent, créant une harmonie chaotique. Celui qui a la vue se bornerait plus à apprécier leur beauté, que leur odeur. Lui, non. Il a l'esprit suffoquant sous les vapeurs chaudes, lourdes et mêmes froides de certaines plantes. C'est comme se noyer sans le comprendre. L'esprit qui s'embrouille qui se ferme lentement. Il abandonne l'odorat, ne pouvant décemment pas s'y fier.

Alors le toucher. Oh, lui son guide, il réapparaît. Une main se pose sur sa joue, il frissonne, ne s'y attendant pas. Ses prunelles sont obligées de se porter sur ce qu'il y a devant lui. Et il la fixe, ne le sait pas, le ressent peut-être un peu. Un nacre calcaire qui se dépose dans les yeux de son interlocutrice, froideur de l'absinthe. Puis doucement, une autre main, sur son bras. Elle glisse, sensation agréable, il sent que ces doigts sont ceux d'une créatrice. La nuance sur la peau, plus dure ou plus calculée. Il ne sait pas... Mais le sent. Peut-être que l'arbre y est pour quelque chose là dedans ? Encore une fois il se trouve que Dallan l'ignore. Puisqu'il pose peu de questions, il n'en apprend pas beaucoup. Mais son arrivé est toute récente. Et comme l'a dit Botan, il a le temps, l'éternité.

Ses doigts crispés se détendirent, finissant par lâcher le tissu. Et celle dont il ignorait encore le nom lui intime de ne pas bouger. Se moque-t-elle ? Où pourrait-il bien aller lui ? Il n'y voyait rien, était incapable de jauger l'espace, donc où irait-il encore une fois ? Il la senti se lever, le tissu de son vêtement frottant légèrement le sol, ses appuis s'entendant mollement dans l'espace. Il resta par terre, statut d'argile ou de glace, sa tête se bornant à se tourner vers un bruit. Chuchotement d'un oiseau quelque part. Timbre joyeux, il eut un mince sourire pour l'animal. Les bêtes étaient des êtres qui ne le jugeaient pas, qui l'ignoraient, se contenant de vaquer à leur vie, sans s'occuper de l'handicapé.

La jeune femme revint enfin à lui. Quelque chose se déposa dans ses mains. Quoi donc ? Hum... Des gouttes d'eaux sur ses mains. Ses doigts sentent le bout d'une tige, ils remontent, touchent des pétales. Des fleurs ? En même temps, elle lui expliqua où il était. Il avait donc grimpé si haut dans l'Arbre. C'est vrai que sa marche avait durée un temps, mais tout de même. Fronça-t-il en plus les sourcils quand elle lui dit qu'ils étaient sur une terrasse. Voilà pourquoi il n'avait plus de repères.Un sol perdu dans le vide. Il n'aimait pas ça, c'était angoissant. Et si ça s'écrouler ? Il exagéré, mais le fait été là, ça l'inquiétait. Et elle le remarqua.

Il lui sourit enfin, appréciant le geste qu'elle avait pour lui. Faire des fleurs un nouveau repère... C'était délicat et naturel. Appréciable. Cette jeune femme devait être une amoureuse des plantes. Le ton de sa voix, il le sentait, allait dans en ce sens. Il y avait un brin de joie dans son timbre. Souriait-elle ? Sans doute. Pendant ce temps, ses doigts caressaient, dessinaient le contour des pétales. Il le faisait doucement, ressentant les pâles nervures sous sous sa peau. La plante, dont il ignorait le nom, avait des pétales fines, il y en avait sept à chaque fleur.

Il leva un instant la tête en l'air, puis regarda à droite et à gauche, lentement. Non qu'il voyait quelque chose, mais il écoutait. Jauger d'où venait les sons. Il revint enfin à elle. « C'est vivant ici... Ça bouge on dirait... »lui dit-il. Des bruits infimes transcendaient l'espace, sans qu'il ne parvienne à comprendre clairement ce que c'était. « De quoi est composé l'espace ? » Ce besoin, cette question récurrente. Encore et encore, il demandait qu'on lui décrive les endroits. C'était un long travail d'apprentissage sur un lieu dont il ignorait tout.


Dernière édition par Dallan Mael le Mer 20 Juil - 23:27, édité 5 fois
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Message par Éliane Mer 20 Juil - 19:33

Son sourire la toucha réellement. Il ne la fit pas rougir, il n’accéléra pas le rythme de son cœur. Mais il avait l'air honnête, et faisait ressentir à Éliane la même chose que lorsqu'elle contemplait la magnifique vue de la terrasse: une joie douce et naturelle. Cela devait provenir de la connexion qu'elle avait avec l'arbre. Après tout, elle était en quelque sort l'enfant de celui-ci. Et il cherchait le bonheur de ses habitants. Que le nouveau venu réussisse enfin à asséner un sourire devait le rendre heureux.

De plus, Éliane était une fille simple. Elle n'avait jamais connu les ténèbres. Elle ne savait pas ce que c'était que de se sentir seul; l'arbre lui tenait toujours compagnie. Même sans lui, un sourire franc suffisait à la rendre heureuse. Elle observa le jeune homme. Peut être pourrait elle s'en faire un ami? Non pas qu'elle en cherchait particulièrement. Elle pouvait passer ses journées seules, tant qu'elle avait du bonheur à contempler. Même si ce n'était pas le sien, même si c'était celui de parfait étranger, même si c'était celui de simples animaux ou plantes, cela lui suffisait. Ne pas avoir d'ami n'était pas une situation triste pour elle. Après tout, Éliane ne pouvait pas vouloir un ami, puisqu'elle ne savait pas réellement ce que c'était. Sa relation avec l'arbre était différente, très étrange. Bien sur, il ne lui parlait pas, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'avait aucun lien avec lui. C'était pour elle une relation qui s'apparentait plus à une relation d'un père à sa fille.

Pourtant, elle ne put s'empêcher de maintenant son sourire à la pensée de se faire un nouvel ami. Étrange pensa-t-elle... Peut-être l'arbre l'influençait dans ses pensées afin qu'elle l'aide de son mieux? Il n'y avait pourtant pas besoin d'une telle raison pour qu'elle soit là pour lui. Un habitant en détresse trouvera toujours de l'aide auprès d'un gardien, même une simple jardinière. Et lui semblait en avoir besoin. Elle n'était visiblement pas la seule à se perdre dans ses pensées. Mais lui avait l'air d'en souffrir. Il n'avait pas l'air d'accepter sa cécité. Normal, après tout, mais ça restait triste. Elle allait vraiment faire un effort sur ces odeurs: tous, sans exception, devait pouvoir se sentir heureux ici.

Il faudrait vraiment aménager la terrasse pour commencer. Après tout, elle l'avait vu froncer les sourcils rien qu'à ce nom. Être dans le vide ne doit pas être rassurant, en effet. Elle l'observait caresser la fleur qu'elle venait de lui donner. Il avait l'air d'au moins apprécier le geste. Pour une fois, elle avait su aider quelqu'un en péril de la manière qui lui était le plus naturel au monde. Elle s'était assise à ses côtés pour mieux le regarder. Peu habituée aux relations humaines, elle le contemplait comme elle aurait contemplée un paysage. Elle le vit regarder autour de lui. Trouvait-il ses repères? Il faudrait qu'elle pense plus tard à lui demander ce qui lui serait le plus utile pour se guider. Enfin, il s'adressa à elle.

L'endroit était vivant, pour sur. On ne pouvait pas dire de l'arbre qu'il était un simple abri. Il était un monde à lui seul. Les mouvements qu'ils devaient entendre pouvaient être le simple bruit du vent dans les feuilles de l'arbre, ou bien les branches de l'arbre se mouvant d'elle même? Le mystère persistait face à cette question, même pour Éliane.
Éliane fut heureuse qu'il lui demande de décrire l'espace: elle allait pouvoir lui montrer la beauté du lieu à travers ses paroles. C'était un certain poids sur ses épaules, mais elle qui passait son temps à contempler ce lieu, était ravie de pouvoir le décrire de ses yeux, comme elle le percevait. Après tout, tout le monde ne voit pas le même endroit de la même façon. Les esquimaux ont créé beaucoup plus de mots pour le blanc que la plupart des autres nations par exemple. Éliane, elle, allait donc pouvoir transmettre la chaleur qu'elle trouvait en ce lieu.

Elle réfléchit un court instant avant de naturellement prendre la main du jeune homme et de la poser délicatement sur le sol. Elle garda sa propre main posée sur celle du garçon. Elle aimait bien son contact, sa peau était étonnamment douce. "Pour commencer, oui, l'arbre est vivant. Il possède sa propre âme, il m'a même créée." Elle ne se rendait pas compte que ce détail pouvait effrayer un nouvel habitant. Sa création n'était qu'un élément des plus naturels de sa vie de son point de vue. Elle continua donc naturellement, ne laissant pas le temps au jeune homme de réagir à cette annonce. "Le sol, comme tu dois pouvoir le sentir, est en fait constitué des branches de l'arbre. Ce n'est peut être pas très pratique, mais ça a quelque chose de magique..." Pour illustrer ses propos, elle appuya légèrement la main du garçon tout en souriant. Elle ferma les yeux et demanda à l'arbre de se manifester d'une quelconque manière. "Essaie de te concentrer sur la branche sur laquelle ta main est posée... Tu sens de la vie, n'est-ce pas?" Elle avait gardé les yeux fermés. Aucun des deux ne purent donc le voir, mais une légère lumière verte était passé à travers cette branche, comme si la sève avait voulu se montrer.

Mais la vue n'était pas nécessaire pour ressentir cela. C'était une chose assez puissante pour être senti avec une simple main. Éliane ressentit même un frisson parcourant tout son corps, de ses joues à ses pieds, en passant par ses mains, toujours posées sur celles du jeune homme. Elle lui sourit: "C'est la chose la plus importante que tu dois savoir sur ce lieu: l'arbre est là pour toi." Elle resta silencieuse un léger instant après cela, se réjouissant de l'instant présent qui lui semblait magique, comme chaque jour passé à Felinia. Elle se rappela enfin qu'il lui avait demandé de quoi était composé l'espace. "Désolé, je n'ai même pas réellement répondu à ta question, alors que j'en avais vraiment envie! J'essaierai d'être le plus fidèle possible à ma vue, mais tu dois savoir que c'est très subjectif. Toi même, même sans voir, tu te feras plus tard ta propre idée du lieu. Je pense que tu pourras voir, même sans voir, grâce à l'arbre... Je suis désolé, ce n'est pas clair, et je me perds encore dans ce que je raconte."

Éliane se sentait décidément maladroite. Elle qui parlait peu, elle ne savait trop quoi dire quand elle en avait l'occasion. Elle prit une grande inspiration avant de commencer en le regardant droit dans ses yeux fuyants: " L'arbre sur lequel tu te tiens semble être un arbre millénaire. Il est immense, possède plusieurs étages, de nombreuses salles. Et à sa cime, une terrasse. Pour l'instant, je ne parlerai que de la terrasse: je ne voudrais pas que tu te sentes plus perdu." Désormais assise face au jeune homme, elle déplaça la main du garçon qu'elle n'avait toujours pas lâché pour la poser tout simplement entre ses deux mains. Elle regarda de part et d'autres de la terrasse pour mieux commencer: " Cette terrasse est aussi large que l'arbre. Je ne sais pas si tu as déjà pu faire le tour du tronc, mais ce n'est pas peu dire. Fais très attention, il n'y a pour l'instant pas de barrière aux bords de cette terrasse. Mais je m'arrangerai pour en mettre bientôt, ne t'inquiète pas. D'ici là, je serai là pour ta sécurité. On peut voir dépasser de la terrasse de très nombreuses branches en fleurs. Aucune ne monte bien haut, mais elle reste imposante. On peut voir ici et là des branches plus grosses que d'autres dépasser du sol: ce sont en fait des chaises et des tables. Tu es arrivé des escaliers, derrière toi. A côté d'eux est présent un petit évier dont je me sers pour jardiner. A côté de l'évier, il y a plusieurs fleurs différentes. Je ne les encore pas plantés, j'allais le faire quand je t'ai vu arriver. Mais tout ça ce sont des détails. Cette salle aménagée par l'arbre est impressionnante de par sa taille et sa nature, mais le plus beau de l'étage est la vue. Je ne sais pas si tu peux ressentir ces choses. Surement pas... J'essaierai de te les faire ressentir alors!"

Éliane ne se rendait plus compte qu'elle parlait seule. Elle voulait simplement finir sa description avant de pouvoir laisser le jeune homme répondre. Elle fixa enfin son regard sur le paysage qu'offrait la vue. "Si tu regardes l'horizon, tu peux voir une clairière. Il y a de l'herbe à perte de vue. Celle-ci est d'un vert... émeraude. Il y a aussi de nombreux arbres plantés un peu partout. Toutes leurs couleurs s'accordent... On pourrait croire à un tableau impressionniste: les couleurs semblent avoir été mises pour plaire à l’œil humain. Je ne pourrais pas te citer toutes les couleurs: elles sont grâce aux fleurs trop nombreuses et sont de plus très changeantes avec les saisons. Mais je peux t'assurer que le spectacle est magnifique. Rajoute à cela la vue du lac au milieu de la clairière. Il est entouré d'arbre touffus, mais d'ici, on peut le voir. Son bleu est profond, tu te perds à le contempler. Il reflète le ciel, et ses quelques nuages..." Elle s'arrêta enfin. Non, elle ne voyait rien d'autre à dire à l'instant.


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Message par Dallan Mael Jeu 21 Juil - 4:12

En temps normal, Dallan était un garçon très souriant. Il usait de ce procéder pour palier à ce visage froid qu'il abordait sans s'en rendre réellement compte. Cependant, depuis qu'il était à Félinia, il n'arrivait pas trop à sourire justement. Trop prit dans ses pensées. Quoi que non. Il n'y avait rien de concret qui le traversait, rien qu'un sifflement, un murmure inaudible. Le mot vraiment juste serait ressentir plutôt. L'Arbre jouait sur ce sens avec lui. Ainsi, il avait beaucoup gagné en sensibilité. Il parvenait à comprendre les choses plus aisément, de même pour se repérer. Tant qu'il restait proche du large tronc ou encore des murs, il se sentait en sécurité et sa cécité n'avait plus rien d'un défaut. Par contre, dès qu'il s'aventurait trop loin dans une pièce, comme là, il perdait tout repères. L'âme de l'Arbre ne l'abandonnait pourtant pas. Ça serait plutôt lui qui se renfermait. Ce débarquement encore très récent, l'empêchait d'être totalement assujetti à l'Arbre et à l'aide qu'il voulait bien lui apporter. Mais ça ne tarderait pas à lui venir, ça arriverait avec le temps, avec l'écoute. Comme le braille par exemple. Au début, il avait cru se trouver devant des pages pleines de pointillés indescriptibles. Puis, peu à peu, tout ceci était devenu clair. Il avait saisis la subtilité du E, fait des points 1 et 5. Des mots s'étaient formés sous ses doigts, dévoilant là, un monde merveilleux. C'était assez magique d'être initié à un langage que tous ne maîtrisait pas. Mais loin d'être quelqu'un de secret, Dallan ne serait jamais contre l'idée d'apprendre à quelqu'un la lecture du braille. Cela lui ferait plaisir justement, de savoir qu'une personne se montrerait assez intéresser pour vouloir en savoir plus. Pour le moment, seuls sa mère et son père l'avait été. Mais ça ne le rendait pas triste que peu de gens soient curieux envers cet alphabet de points. Sans doute que lui-même l'aurait à jamais ignorer s'il n'avait pas été aveugle. Comme quoi, un handicap n'avait pas que du mauvais et mieux valait n'en percevoir que les bons côtés, plutôt que de crouler sous l'amère mélancolie. Enfin, Dallan était partagé à ce niveau. Après tout, cela ne faisait que 6 ans qu'il connaissait l'obscurité. Et il aurait toujours le regret de ne plus capter les différentes nuances qu'offrait un paysage, de ne plus être capable de définir clairement un visage. L'expression ne mentait pas quand elle disait qu'on ne comprenait la valeur des choses uniquement que quand on les perdait. S'il avait su... S'il avait su, il aurait dévoré des yeux tout ce qui lui serait passé sous la main. Pour ne pas oublier, pour garder graver dans sa mémoire chaque détail. Allons donc... On referait le monde avec des si.

Le passé se devait de rester sagement derrière, chapitre premier d'un bouquin bien entamé. Il fallait cesser de ressasser chaque misère, pour se plonger dans la suite. La mort avait été le point final ? Soit, Dallan entamait donc le deuxième tome de son existence. Un volume où il s'accepterait, lui et ses défauts, lui et ses qualités. Ça serait comme l'apogée d'une certaine sérénité. La fin d'un périple, d'une guerre contre soi-même. Protagoniste de sa propre existence, mais pas Tirésias pour autant... Ou peut-être un peu quand même finalement. S'il avait vu, est-ce que l'Arbre se serait donné la peine de l'acceuillir en son sein ? Imaginons que non. L'aveugle avait comme un don de voyance, capable de voir au-delà des apparences. Il ne reste pas figé sur le détail d'un visage, passant loin, si loin de ce genre de frivolité. Lui écoute, lui est là. Présence silencieuse de celui qui jauge par des moyens moins Judas. Il ne croit pas ce qu'il voit, mais écoute, sent. Cette manière d'appréhender la vie avait dû plaire à l'âme de l'Arbre. A moins que ça soit son physique un brin chétif. Cette fragilité mêlée d'audace et de fierté muette. Timidité contradictoire, puisqu'elle est saupoudrée de curiosité naturelle. Mais Dallan n'était pas si complexe que ça pour autant. Il était doux et gentil, ne se moquait jamais des gens. Puis timide et froid, son silence pouvant être mal interprété. C'était un bon garçon ou pauvre garçon, selon les points de vues. Peut-être bien qu'il lui manquait la vivacité des adolescents, oui. Peut-être bien qu'il était carrément ennuyeux enfaîte. Après tout, quand on est jeune, on a envie de profiter de la vie, de faire les fous, de repousser les limites, alors que lui bah... il s'en fiche. Ses priorités ne sont pas les mêmes. Trop occupé à redécouvrir les choses, il s'est plutôt complu dans de petits bonheurs simples. Qui pouvait donc imaginer que caresser un chat était si fascinant. L'entendre ronronner, démêler avidement la sonorité qui sortait de sa gorge. Pareil pour le reste. Alors, entre cela et les nuits silencieuses où il pleurait, se disant qu'il y avait quand même mieux comme vie, il n'avait pas le temps de partir faire la fête avec ses amis. Ces derniers s'étaient impitoyablement éloignés de sa personne. Qui voudrait comme un ami, un garçon au caractère passablement mélancolique et si mou dans ses actions. Au moins Dallan ne leur en voulait pas, acceptant parfaitement cette situation, sachant pertinemment qu'il y était pour beaucoup là dedans. Du moins, restait-il le doux confident de ses proches et celui qu'on avait trainé à l'occasion, dans les rues de la ville.

A Félinia, personne ne le traînait. Il se débrouillait seul, on l'avait laissé tranquille jusque là. Et il en était très content, éprouvant ainsi une sensation de liberté qu'il n'avait pas vraiment eut la chance d'apprécier durant son vivant. Dallan n'avait rien d'un aventurier solitaire tout de même. Et les rencontres, quoiqu'improbable comme celle-ci, lui faisait plaisir. Cette jeune femme était gentille et simple. Il n'y avait pas une once de méfiance planant dans sa voix. Rien qui pourrait faire croire à l'adolescent qu'elle était gênée de sa tare physique. La fleur toujours entre ses doigts, il savourait donc le moment, oubliant doucement sa peur irrésolue de cet espace. C'est dans ce contexte, qu'elle lui prit la main, la plaçant dessus le sol en bois, reconnut-il. Ses doigts à elle étaient par-dessus les siens, lui laissant le loisir de ressentir l'élan qu'il se disait créatif, qu'elle possédait. Elle prit alors la parole, affirmant ses dires. L'Abre avait donc une âme... Dallan n'arrivait même pas à s'en étonner. Cette information avait naturellement pris place dans son esprit, comme soufflée par une petite voix. Par contre, elle ajouta être elle-même issue de lui. Ça l'intrigua un moment, mais elle ne lui laissa pas le temps de rebondir sur l'information, enchaînant aussitôt avec la vie sortant des branches composant le sol.

Ses doigts furent fermement appuyés sur le branchage, tandis qu'elle l'invitait à se concentrer. Ce qu'il fit, les yeux toujours ouverts. Un phénomène mystique se produisit, le faisant lui-même frémir de tout son corps. Un souffle de surprise traversa également ses lèvres entrouvertes. C'était délicieusement étonnant. Il se pencha un peu en avant, osant poser son autre main par terre. Les fleurs étaient toujours sur ses genoux, attendant gentiment qu'il se remette à les toucher. Le bout de ses doigts suivirent l'ondulation d'une branche, apprenant de la matière qui la composait. L'Arbre le laissant faire, sans doute pour lui faire plaisir, parce qu'il était là pour lui, comme l'affirmait la jeune femme.

Son interlocutrice reprit par la suite son monologue, s'excusant de ne pas lui décrire le lieu à proprement parler. Qu'importe, il appréciait quand même ce qu'elle racontait. Et puis, il souriait timidement de son timbre de voix. La musicalité qu'elle provoquait était enjouée, maladroite, mais fichtrement sympathique. Elle s'emmêlait dans ses mots, comme incapable d'exprimer clairement sa pensée. Elle était un peu comme lui enfaîte, parce que Dallan avait toujours du mal à énoncer les choses. Les mots étaient d'un compliqués. Il était sûr qu'en cherchant bien, on pouvait trouver pleins d'autres manières de conter les faits. Pour le moment tout du moins, se fie-t-il à ce qu'elle disait, à contrario de pouvoir se rendre compte par lui-même, bien qu'elle lui dit qu'un jour prochain il aurait sa propre opinion sur les lieux. Il n'en doutait pas. Que ça soit avec ou sans l'Arbre, il savait que sa vision des choses serait unique, mais tout aussi magnifique si l'endroit s'y prêtait.

Dallan l'entendit prendre une grande inspiration. Il en fut charmer. Cela débutait son nouveau monologue, mais aussi la sorte d'intensité dans laquelle elle allait le plonger. Une simple respiration symbolisant quand même le travail qui allait être fournit. Tout ouïe à son discours, il ferma cette fois-ci les yeux, s'adonnant à la concentration. Tout ce qu'elle disait serait bon à prendre, bien qu'encore flou dans son esprit. Une moue réfléchie lui fit plisser le front. Il lui fallait le temps de dessiner mentalement l'arbre, d'y placer les salles, de coller chaque pièce du puzzle, en n'en créant même de nouvelles au fur et à mesure. C'était un travail plus compliqué qu'il n'y paraissait, mais la force de l'habitude, faisait que Dallan était doué dans ce petit jeu, quoiqu'il fallait quand même une ambiance propre à la réflexion et un discours assez lent, pour qu'il n'en rate pas une miette.

Il lui laissa prendre sa main entre ses doigts, tandis que l'autre était toujours appuyée sur le sol, y plaquant les fondations qu'il se créait dans sa tête. Ce qu'elle lui décrivait avait l'air très beau. Les branches, les fleurs, il espérer les toucher dans le futur. Palper les veines boiseuse, les nervures délicates. Elle parla de détails. Il apprécia. Un évier, même n'étant qu'une chose qu'on finit par oublier, rendait le décor sensiblement différent, et lui le garderait graver dans son esprit. Et la vue... Qu'il aurait voulu être capable de poser ses prunelles dessus, les laisser se perdre dans l'horizon. Mais non, impossible. Enfin, les vastes espaces, surtout ouverts, il arrivait quand même à les ressentir un minimum. Le vent était différent, plus libre, frais, rieur quoiqu'un peu moqueur. Ici pourtant, il y avait une lourde chaleur qui émanait. Peut-être parce qu'il y avait beaucoup de fleurs et de branches ? Comme dans une serre. En tout cas l'ambiance lui inspirait vaguement un tel endroit, en plus agréable, moins étouffant, si ce n'est les trop nombreuses odeurs florales.

Toujours silencieux, il entrouvrit les lèvres, laissant ses pensées vaquer sur les frontières dont elle se mettait à parler. La clairière par exemple... C'était par là qu'il était arrivé, assit dans l'herbe grasse, poussant autour de grosses racines. Il pencha ensuite la tête sur le côté, à la notion d'impressionniste. Jamais il n'avait vu un tableau de Monet, Cézanne et tous leurs compères. On lui avait dit que tout résidait dans une recherche de lumière, de mouvement. La définition du terme lui permit au moins de se faire une idée propre. Et les fleurs colorées. Il s'imagina tout le panel de teintes qu'il connaissait, profitant qu'elle ne cite aucune couleur. A son grand désarroi par exemple, il ne pouvait presque que se représenter visuellement les couleurs primaires et complémentaires. Quelques autres, comme l'émeraude lui était facile à deviner, puisqu'il avait déjà vu l'herbe, mais certaines comme le rouge carmin voir le mauve, restaient très compliquées à nuancer dans sa tête.

Sa pensée alla des parterres fleuris, au lac. Il y en avait un ! C'était bien. Les étendues d'eaux étaient les plus simples à concevoir. Petit, il avait été à la mer, alors il lui suffisait de calquer ceci sur cela et c'était bon. C'est comme à regret enfin, qu'il l'entendit achever son récit. Sa voix était tellement agréable. Dallan aurait pu l'écouter encore et encore sans se lasser. Elle lui donnait envie de sourire, pour sa simplicité, son authenticité. Et justement, ses lèvres s'étirèrent davantage, tandis qu'il hochait la tête, de plus en plus à l'aise avec l'alentour. « Merci... » lui dit-il d'une voix douce, avant de porter sa main libre à son visage. Un instant passa, puis un léger rire l'anima, semblable à une pression que se relâchait. « Ta voix est très belle... » l'informa-t-il bien qu'un peu embarrassé. « C'était très agréable de t'écouter. » Il était rare que Dallan se lance dans les compliments. Mais pour le coup, il en avait envi, peut-être un peu poussé par l'âme de l'Arbe qui les entourait tout entier. Il avait même été jusqu'à tutoyer cette inconnue, avec un naturel involontaire.

Son rire, doucement se tut, laissant de nouveau place aux sons plus sauvages et mystiques. Il repartait dans sa contemplation du grand rien, son esprit s'évertuant à ranger chaque information dans une case précise pour que jamais il n'oublie ne serait-ce qu'une parcelle de la terrasse. Il en avait encore un peu peur par contre. Parce que comme elle lui avait dit, il n'y avait pas de barrière. Alors, étant incapable d'analyser les distances, il serait fichu de trébucher dans le vide. Horrible. Au moins serait-elle là pour sa sécurité. Il lui faisait confiance pour ça. Il l'aurait parfaitement sentie si elle était fourbe. Mais non, cette jeune femme était trop vraie dans son attitude pour lui inspirer méfiance. Et quelque chose au fond de lui, lui disait que jamais l'Arbre se montrerait foncièrement d'accord pour prendre en lui des personnes aux envies malsaines. Oui, il en était persuadé.
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Message par Éliane Jeu 21 Juil - 18:20

Lorsqu'il la remercia en souriant à nouveau, elle fut ravie. Non seulement elle avait pu l'aider, mais elle pouvait de nouveau voir son visage s'illuminer. Et sa voix, qu'elle entendait si peu, était si douce à entendre. Le timbre de sa voix reflétait ses émotions plus que celui d'un homme lambda. Éliane y voyait ici de la sincérité. Oui, il semblait réellement reconnaissant envers la jeune fille. Elle s'étira de tout son long, lâchant le jeune homme. Elle n'avait pas encore pu réellement travailler ce jour là, mais avoir pu aider lui donner l'impression d'en avoir fait suffisamment pour la journée. L'arbre devait être fier d'elle. Une moue satisfaite apparut sur son visage. Elle s'allongea lentement contre le sol, pour contempler le ciel, et les quelques branches que l'on pouvait apercevoir au dessus d'eux. C'était décidément une belle journée. Non seulement elle avait pu contempler la vue plus tôt, avait eu de nouvelles idées d'aménagement du jardin grâce au jeune homme qu'elle avait aidé, mais en plus il semblait l'apprécier.

Ses pensées furent confirmées lorsqu'il la complimenta. Il aimait sa voix. C'était réciproque. Bien que peu habituée aux compliments, Éliane n'en fut pas embarrassée. Elle fut simplement flattée, et heureuse qu'on puisse apprécier un trait de sa personne. Lorsque le jeune homme rajouta qu'il avait aimé l'écouter, elle ne put s'empêcher d'esquisser un grand sourire, avant de rire à son tour. Elle se tut à son tour. Après avoir tant parler pour décrire l'arbre, Éliane ne savait plus que dire. Selon elle, un compliment ne demande pas forcément réponse. On le donne sans attendre en retour. Allongée contre l'arbre, elle réalisa soudainement qu'elle ne savait pas le nom de ce garçon. À cette pensée, plein d'autres questions se rajoutèrent. Comment avait-il atterri ici? Quel livre lui avait été attribué? Était-il un visiteur? un habitant? Elle ne savait pas encore bien les distinguer... Elle n'osait pas lui poser ces questions. S'il voulait les lui demander, elle devrait attendre, ou les lui poser quand le temps viendrait, naturellement. On obtient jamais de réponse en embarrassant quelqu'un de questions pensa-t-elle.

Elle se releva pour mieux s'asseoir. Si elle n'osait pas lui demander de parler de lui, au moins pourrait-elle se présenter. "Au fait, je m'appelle Éliane. Comme je t'ai dit plus tôt, j'ai été créé par l'arbre. Je suis ici jardinière, et doit garder l'arbre." Elle lui pris la main et la serra. Elle essayait ainsi de l'inviter à se présenter à son tour. Au moins voulait-elle connaitre son nom. Elle voulait apprendre à le connaitre. Même si l'ignorance ne l'aurait pas non plus gêné; elle n'avait qu'à lui créer un surnom si tel était le cas, elle voulait tout de même pouvoir apporter un nom à cette tête qui alternait inquiétude et sourire. Un nom apportait déjà beaucoup d'éléments de plus. Elle pourrait essayer de deviner d'où il venait. Il pourrait essayer de deviner le caractère des parents qui ont choisi un tel nom. Le nom influence aussi la manière de vivre.

Elle lui laissait le choix en restant silencieuse. Elle gardait pour autant la main serrée contre celle du jeune homme. Elle aimait son contact. Ce n'était pas étonnant. Bien que souvent seule, elle était philanthrope. Elle aimait voir les gens s'épanouir, vivre heureux à Felinia. Mais elle sentait tout de même quelque chose de différent. Serait-ce de l'amitié qui pointait le bout de son nez? Toutes ses pensées se bousculaient dans sa tête, lui donnant l'envie de rire. Ce n'était pas que l'idée d'avoir un ami était drôle. Mais elle était réellement heureuse à cette idée, et très surprise de ce fait. Pourquoi un tel bonheur face à l'idée de se faire un ami, lorsqu'on ne sait même pas ce qu'est un ami? Elle ne pouvait enlever ce sourire heureux qui fendait ses lèvres. Elle le regarda, toujours main dans la main, attendant une réponse de sa part.
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Message par Dallan Mael Ven 22 Juil - 5:05

Le caractère de Dallan avait toujours vacillé dans la douceur. Il ne savait pas vraiment s'énerver, n'aimait pas ça enfaîte. Bien sûr, comme tout être humain, il avait déjà piqué des colères, mais il revenait très vite à sa nature première, s'excusant aussitôt. C'était comme s'il se rappelait tout seul à l'ordre, s'obligeant, s'évertuant à garder son air d'enfant calme. Et ça lui allait très bien. Cette gentillesse s'accordait à sa timidité. Encore fallait-il qu'il grandisse à ce niveau. Il aurait l'éternité pour gagner en assurance, peut-être en sagesse, qui sait. Parce que la timidité était un sale défaut. Ça l'entravait dans ses actions, le rendait si peu loquace. Elle avait un goût amère quand il se rendait compte qu'il aurait suffit d'un mot, d'une parole en plus, pour peut-être débloquer une situation. Mais non, il gâchait tout, aussi vite qu'un clignement de paupière. Sauf ici. La douce inconnue n'avait pas l'air trop ennuyée des rares mots qui sortaient de sa bouche. Elle avait docilement meublé la conversation avec son long et agréable discours sur ce qui composait la terrasse.

A présent, elle venait de lâcher sa main, bougeant légèrement d'après le frottement du tissu qu'il perçut. Il en fut un peu déstabilisé, s'étant tout juste habitué à ce contact. Il ramena sa main à lui, reprenant automatiquement les fleurs entre ses doigts, jouant avec elles, son regard absent, plongé loin de ce monde. Elle rit en même temps que lui, ce qui permit à Dallan de se détendre encore plus, parce qu'elle ne se moquait pas, ne le jugeait pas, ni lui, ni sa peur irréversible de cette terrasse sur laquelle ils étaient tout deux assis. Pourtant, il restait encore un peu figé, ayant grand mal à se laisser aller sur ce sol composé de branches. Son autre main continuait de jauger le bois, craignant qu'il se mette à bouger dessous lui, puisqu'il était vivant. Mais tout restait en place, aucune blague ne striant le décor. Et heureusement, sinon ça serait fini de lui et du brin de confiance qu'il reprenait.

Une nouvelle fois, il l'entendit se mouver, le rendant perplexe sur ce qu'elle était en train de faire. Juste après, elle se présenta. Éliane... voilà un prénom qu'il n'avait jamais entendu. Sa consonance était douce par cette voyelle qui le commençait. Le L glissait sur la langue, se mêlant au I et au A, tout en s'harmonisant parfaitement avec la consonne qui suivait. Et le L et le N... Des consones si tendre, qui ensemble, étaient encore plus belles. La musique de ce prénom était sensiblement estimable à l'ouïe de l'adolescent, qui se permit de le répéter du bout des lèvres, tout bas, juste pour en profiter un peu plus. Elle réitéra ensuite les propos qu'elle avait très vite enchaînés auparavant. Crée par l'arbre, disait-elle. Dallan resta stoïque, bien que cette notion lui soit obscure. Physiquement, il était dans l'impossibilité de comprendre comment elle avait pu naître. Était-elle apparut comme on claque des doigts ? Ou sa naissance s'était démontrée plus traditionnelle. Cette réflexion aboutie à une nouvelle interrogation. Est-ce que la douce Éliane avait une apparence humaine ? Ses mains disaient que oui, et, comme pour le lui prouver, elle reprit la sienne entre ses doigts, la serrant doucement. C'était bien des mains de femmes. Une ossature fine, quoi que quand même marquée par une certaine force. Celle de la création et il ne s'était trompé, puisqu'elle était jardinière ! Il l'avait donc bien senti qu'elle faisait partie du monde artisanal, rural presque . Aussi, il préférait ça aux doigts lisses des femmes manucurées.
Les doigts de Dallan, eux, étaient plus grêles. Comme des mains de pianiste. Il fallait bien ça pour quelqu'un découvrant le monde par le toucher. Il ne pouvait se permettre de laisser jouer la rugosité sur sa peau, il avait besoin de garder une sorte de fragilité, pour saisir chaque détail. Il en prenait donc bien soin, contrairement au reste de sa personne. Ses cheveux, ils les laissaient courir selon leur envie, ses membres il ne les avait pas développé plus qu'il ne fallait, se contentant de la dite moyenne. A quoi bon se muscler ? Il n'en ressentait pas le besoin.

Il osa, avec une lenteur pleine de sa récurrente timidité, entremêler leurs doigts. C'était pour se concentrer sur elle, uniquement elle et oublier pendant quelques instants que les branches n'étaient pas aussi stables qu'il aurait rêvé de le croire. Son regard était baissé vers le sol, nacre éternellement voilé. Maintenant qu'elle s'était présentée, la bienséance voulait qu'il en fasse de même. Que devait- il lui dire ? Son prénom et son nom, oui, mais quoi d'autre ? Éliane lui avait confié sa naissance, son rôle ici. Mais lui n'avait pas envie d'en dire autant. C'était plus compliqué, plus sombre et les confidences il préférait les entendre que les dire. Tout de même, il n'allait pas continuer à rester muet. Il n'avait pas fait vœu de silence. Il n'était pas un moine. Et il ne cherchait certainement pas à devenir Hermite, bien que son attitude soufflait parfois le contraire. En plus, il se détesterait de se laisser encore une fois surpassé par son mutisme.

Dallan inspira alors lentement et profondément, tout en levant un peu les yeux, essayant par là, de lui prodiguer un semblant de regard. « Moi... Je m'appelle Dallan Mael et je suis... » commença-il, hésitant ensuite à la manière d'enchaîner. « Hum... Un habitant d'ici ? » finit-il, d'un ton vaguement maladroit. Non que la chose soit trop dure à accepter, c'était surtout qu'il cherchait à éluder foncièrement ce qui faisait le pourquoi du comment il était ici, tout en disant assez pour la satisfaire.

Il se tut ensuite, essayant de deviner la réaction qu'elle pourrait avoir, tandis qu'une pensée mélancolique traversait son esprit. Encore une fois, il avait l'impression d'être bête. Comme lorsqu'il était vivant. Parce qu'à force de jouer des mots pour en dire le moins possible, il était devenu un puits de mystères, mêlé d'un asocial. Un radin de paroles enfaîte. Ça l'ennuierait que la jardinière le voit ainsi. Il venait peut-être de la rencontrer, mais il aimerait déjà l'entendre de nouveau lui parler, lui conter tout et n'importe quoi, juste pour savourer le timbre de cette douce et nouvelle voix. Son idiotie le fit alors soupirer. « Désolé... Je n'aime pas trop parler... parler de moi. » lui confia-t-il, tout en ajoutant la notion du moi, bien que la généralisation était tout bonnement véridique.

Enfin, il se passa une main embarrassée dans les cheveux. Dallan pensait s'emmêler les pinceaux à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Cette impression était sans doute due à son manque de confiance en soi. Préféra-t-il tout de même ne pas resté bloquer sur ce qu'il venait de dire et il resserra gentiment l'emprise qu'il avait sur les doigts d'Éliane. « ... Et je sais que je suis un embêtant. » lâcha-t-il d'un ton désolé. « Mais est-ce que tu pourrais me parler de toi... te décrire un peu... » Il secoua alors lentement la tête, faisant attention à ne pas perdre ses repères par ce simple mouvement. « Enfin je ne t'oblige pas... Je n'ai pas envie de t'ennuyer avec ça. » ajouta-t-il rapidement. La notion de gêne lui revenait en mémoire. On avait trop souvent répété à Dallan que les gens n'étaient pas ravis de devoir se décrire eux-même.
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Message par Éliane Ven 22 Juil - 15:17

La première réaction d’Éliane en écoutant celui qu’elle reconnaitrait désormais sous le nom de Dallan fut qu’il manquait profondément de confiance en lui. Pourquoi l’aurait-il ennuyé ? Ils n’avaient, après tout, qu’une simple conversation. Toute conversation est intéressante, même la plus simple, même lorsque la conversation est à sens unique. Cela ne permet-il pas d’apprendre des choses sur soi même ? Non, Éliane ne comprenait pas en quoi peu lui parler et lui demander de parler beaucoup était dérangeant. Certes, certaines personnes n’aimaient pas cela. Si les rôles avaient inversé, ce Dallan n’aurait certainement pas été heureux. Mais qu’est ce qui l’obligeait à répondre ? Elle était décidément en désaccord avec cette pensée : ne pas vouloir parler n’est pas ennuyant, même sans cela on peut apprendre des autres. Demander à un autre de parler ne l’est pas non plus, on laisse toujours le choix de refuser. Il n’y a pas de bonnes et de fausses manières de discuter…

Éliane aurait voulu lui dire, mais rentrer dans une conversation philosophique avec quelqu’un qu’elle venait de rencontrer ne lui semblait pas être une bonne idée. Peut être plus tard essayerait-elle de lui expliquer. Elle lui dirait, quand elle en aura le droit, qu’il ne faut pas qu’il se sente mal d’être lui même. Pour l’instant, elle avait décidé de le démentir simplement. Désormais affichant un sourire léger mais naturel, elle posa sa main libre sur sa joue. Elle lui jetait un regard plein de sérieux, même s’il ne pouvait la voir. " Tu es loin de m’embêter, ne t’inquiète pas. " Elle avait la même attitude qu’un parent aurait eu en souhaitant rassurer un enfant sur l’amour qu’il lui porte, ou en promettant quelque chose. Oui, quelque part, c’était une promesse. Tu es, et cela suffit pour faire de toi quelqu’un d’intéressant, voulait-elle lui dire.

Elle réalisa alors que ce contact était peut être exagéré. Un tel rapprochement le gênait-il… Mais elle se rappela que lui même avait entremêlé leurs doigts avant de resserrer son emprise sur sa main. Cette emprise… Elle y avait ressenti toute la gêne du pauvre garçon. C’était le signe pour elle qu’il voulait être rassuré. Au fond, n’est-ce pas toujours pour cette raison qu’on se presse contre quelqu’un d’autre ? Des bras rassurants, une épaule rassurante, et une main rassurante, c’est le meilleur moyen de sentir la présence de l’autre, de sentir qu’on existe pour la personne. Non, décidément, les mots n’étaient pas la seule manière de communiquer, et ni même la meilleure.

L’image d’un enfant traversant la route lui vint en tête. Pour sa sécurité, il fallait que sa mère soit là, lui tienne la main fermement. Dallan lui faisait penser à ce petit enfant qui ne voulait pas en l’occurrence lâcher la main d'Éliane. Sans quelqu’un pour la lui tenir, il était en danger. Le fil de sa pensée l’ayant mené là, elle voulut le conforter dans son geste : " Et je ne te lâcherai pas la main, tu es en sécurité. " La jeune fille était loin de se douter que ses mots pourraient avoir une toute autre résonance pour le garçon. Le hasard voulait visiblement jouer avec lui. Si Éliane avait su l’histoire du jeune homme, aurait-elle pour autant changer ses mots ? On peut se le demander. La peur de blesser l’aurait freiné, c’est certain. Mais c’était des mots pleins de chaleur qu'elle voulait communiquer. Elle voulait tellement qu’il se sente mieux, plus à l’aise.

Elle réalisa qu’elle ne s’était toujours pas décrite. Elle ôta enfin sa main de la joue du jeune homme pour la passer dans ses propres cheveux, tout en levant la tête vers le ciel, signe de réflexion. Se décrire… Voilà un exercice qui allait être amusant, bien que long et difficile. Avant tout, il lui fallait réfléchir, et Dallan allait donc devoir attendre un peu. " Désolé. Ça ne me dérange absolument pas de me décrire, mais je vais avoir besoin d’un peu de temps d’introspection. " Elle était maladroite dans ses mots, mais elle comptait réellement passer un instant à réfléchir à qui elle était. La question était probablement plus de l’ordre physique que moral, mais elle se sentait tout de même redevable d’une description mentale.

Le plus simple pour commencer : comment était-elle ? Mais surtout, que voulait-il savoir ? Une description pouvait tout aussi bien être extrêmement vague qu’être assez précise pour s’en faire une image digne d’une photographie. Lui, préférait-il n’avoir que peu de détail et découvrir le reste seul ? Même s’il ne pouvait pas voir, il pouvait le deviner en la touchant. Seules les couleurs manqueraient toujours... Elle essaierait de se concentrer sur cet aspect alors. Mais s’il préférait une description très détaillée ? Non, mieux valait être floue. On peut préciser le flou, mais on ne peut plus flouter une image précise. Les pensées d’Éliane se mélangeaient de nouveau. Cinq minutes étaient déjà passées, cinq minutes qu’elle aurait du passer à réfléchir à elle même au lieu de réfléchir sur des concepts, comme elle faisait toujours.

Éliane, qui es tu donc… Taille moyenne, poids moyen, plutôt quelconque au final. Des cheveux châtain, des yeux verts, rien d’extraordinaire. Le détail qui devait attirer le regard était la longueur des cheveux, et peut être son sourire constant, pensa-t-elle. Mais elle n’allait pas se vanter de son sourire, et il pourrait lui même se rendre compte de ses cheveux… Pour autant, il n’allait probablement pas se satisfaire d’aussi peu de détail, sinon il ne lui aurait rien demandé. Comment faire ? Et finalement, n'allait-elle pas parler de son caractère...?

Non, il le découvrirait bien lui même au fil de leurs conversations, et ce sera d'autant plus parlant dans le fond que si elle lui énumérait ses qualités et ses défauts. Mais désormais, elle ne pouvait plus rester dans le silence, c’était une chose sure. Elle qui voulait prévoir chacune de ses paroles afin de ne pas divaguer, c’était raté… Mais divaguer… ça pourrait l’aider à répondre, après tout.

Les mains respectives des jeunes gens toujours serrées l’une contre l’autre, elle commença sa description. " Je mesure à peu près 1m74, pour 60 kilos. "Voilà des précisions qui ne lui seraient pas utiles pour se la représenter… Du plus concret était nécessaire. " Je suis de type caucasien. Mes cheveux sont châtains. " Elle prit une mèche de ceux-ci de sa main libre et les observa afin de mieux pouvoir décrire leur couleur. " Ils sont d’un châtain… " Aucune idée de qualificatif à apporter ne lui venait en tête. Avec quoi pouvait-ton bien comparer une couleur de cheveux ? La réponse n’était-elle pas sous ses yeux ? Elle se baissa pour poser cette même mèche de cheveux sur les branches de l’arbre. " Oui, c’est ça ! Mes cheveux sont juste un peu plus clairs que l’arbre. Et cet arbre a la couleur de n’importe quel arbre du monde humain. Sinon… les habitants ici se demandent parfois si mes longs cheveux ne cacheraient pas de longues oreilles, à cause de ma création et de la mysticité du lieu... Mais non, je ne suis pas un elfe ! J’ai un corps calqué sur un corps humain, tout ce qu’il y a de plus normal. "

N’était ce pas suffisant ? Il pouvait ainsi se l’imaginer assez facilement selon elle. Elle ne pensa pas à parler de ses grands yeux verts qui observaient toujours tout si attentivement ni de ses fins sourcils si élégamment dessinés ou encore de son nez mutin et de ses dents blanches, qu’encadrait parfaitement un visage carré. Elle omit cependant volontairement son ventre naissant, du à ses grignotages récurrents, ses mains abimées par la terre et ses lèvres qu’elle se mordillait trop souvent. A quoi bon lui décrire tous ses petits détails ? Il avait du déjà réaliser que ses mains n’était pas manucurées après tout, et il se rendrait compte de ses autres défauts physiques par lui même.

" Je te propose que tu découvres le reste seul. C’est toujours plus intéressant d’apprendre les petits détails de la personne peu à peu, non ? Ce n’est pas important que tu saches où sont mes grains de beauté, comment sont mes jambes, si j’ai dix ou douze doigts… Quant à mon caractère, c’est toi le plus apte à juger de cela. "
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Message par Dallan Mael Ven 22 Juil - 17:59

Conversation, pouvait-on vraiment dire qu'ils en avait une ? Dallan n'avait fait que l'écouter parler, disant quelques mots par-ci par-là. Il aurait pu tout aussi bien être absent, que rien n'aurait changé. C'était à sens unique, oui. Comme un train sur des railles. Tout allait vite, s'enchainait avec une fluidité naturelle, troublante même, puisqu'ils s'étaient presque comme apprivoisés tout deux. Il sentait Éliane douce et attentionnée, quand elle, devait le voir timide et très peu sûr de lui. C'était un fait alors, un détail simple mais efficace, à même d'engager un semblant d'amitié, de compréhension entre eux. Les faux pas ne devraient pas pointer le bout de leur nez, non, puisqu'elle avait acquit une certaine adresse dans son langage. Enfin, fut-il ce qu'il aurait pensé, si la demoiselle n'avait pas un parlé si authentique. Sa maladresse des mots était aussi délicate qu'une feuille tombant dessus un lac à l'eau transparente et pure. C'était une belle conception, plus appréciable que si elle avait instauré un certain tact. Dallan se serait senti gêné dans ce cas, ennuyé même, puisque prit dans le cercle vicieux de la pitié pour son handicap. Et encore cette notion, fichue cécité qui revenait à ses yeux sans se lasser, jouant d'un sourire mauvais pour lui rappeler à chaque instant le voile noir qui dévorait sa vue. C'était bien beau de dire qu'il devait s'y habituer, mais allons, ça prenait du temps, c'était l'histoire d'une vie, un pavé de mille pages de braille presque. Et c'est connu, le braille fatigue à force, les doigts s'usent dessus les feuilles, désirent le repos, l'instant salvateur, ressourçant, qui permettrait de mieux reprendre par la suite. Son arrivée à Félinia était peut-être cet instant qu'il attendait. Une éternité pour concevoir un monde selon son bon plaisir. Espérait-il au moins ne pas oublier, garder gravé à jamais les couleurs de son enfance, le visage de ses parents et tout autre délicieux instants. Cette illusion était veine pourtant, Dallan ne le savait que trop bien. Dans son mutisme il cachait ses peines, si douloureuses peines. Parce qu'il avait perdu quelques bribes de sa vie de voyant. Tout doucement les visages s'effritaient dans sa mémoire, les contours devenaient floutés et même le toucher le n'aidait pas à y voir clair. Les doigts fébrilement accrochés à ses réminiscences, il prenait goût aux chimères, tentant de se rassurer en demandant aux gens de se décrire. Stimuler sa réflexion l'aiderait certainement à se replacer les pâles couleurs d'un matin d'hiver, la beauté d'un vert dit émeraude, non ?

Posés sur le papier, ces principes étaient sympathiques, au point que peu de gens refuseraient de se décrire à son ouïe. Mais comme il était secret sur ses intentions, cela restait gênant. Ajouté sa timidité et son manque de confiance en soi, on pouvait alors aisément comprendre les refus rébarbatifs. Cependant, Éliane ne le vit pas de cet œil, lui disant qu'il ne l'embêtait pas, tandis que sa main s'était posée de nouveau sur sa joue, en un geste qui faisait sursauter Dallan, peu habituer à ces silencieux contacts. En tout cas, il hocha sagement la tête, le timbre de sa voix l'obligeant à ployer sous ses paroles, comme un enfant obéissant. Sa gentillesse le rassurait. Serait-il tombé sur quelqu'un de plus vif et direct, qu'il se serait renfermé comme une huitre, priant qu'on le sauve de cette angoissante rencontre. L'Arbre avait été vraiment clément pour l'avoir guidé jusqu'à elle alors. Bien sûr que ça devait être de fait de l'Arbre ! Il s'était senti attiré par le haut, et ses doigts appuyés sur le bois, l'avait amené à monter les escaliers jusqu'à la cime, sans s'arrêter ne serait-ce qu'une seule fois à l'un des étages intermédiaires. On pouvait vraiment dire de lui qu'il avait une confiance aveugle envers cet esprit de la flore. C'était sans doute parce qu'il ressentait au fond de lui, que l'âme parvenait à le pénétrer, à le comprendre tout entier, acceptant son handicap, sa mort, la fragilité de son physique, presque comme s'il n'était qu'un être immatériel, un feu follet parmi ses branches. Allons donc, il doutait pourtant que l'Arbre ne le réduise qu'en un phénomène chimique. Il était plus que ça, avait son importance propre. Il était intéressant enfaîte... Oui, c'était parfaitement ça, compatible avec la notion qu'essayait de lui transmettre Éliane. Et n'était-elle pas une enfant de l'Arbre ? Parlait-elle en son nom ? Voilà quelque chose qui aurait put entrainer loin la réflexion de Dallan. Il y repenserait sans doute à l'avenir, mais pour l'instant il restait soudé au monde physique, dans un genre plus terre à terre, totalement dévoué à son sens du toucher et à son ouïe. Plus que la parole, c'était ainsi qu'il façonnait son monde. La main de la jardinière sur sa joue, leur doigts entremêlés, était un lien de plus vers l'aspect terrestre des choses, tout en ajoutant une goutte émotionnelle. La sureté de la présence, la joie de ne pas se savoir tout seul dans un monde fait d'ombres et de noirceur.

Mais les belles choses ne durent jamais longtemps et il suffit d'un rien pour que la décadence s'en mêle, détruisant férocement l'harmonie à peine créée. Et l'emprunte de douceur qu'elle voulait immiscer en lui disant qu'elle ne lui lâcherait jamais la main eut l'effet contraire sur Dallan, qui d'un coup se figea. Certainement qu'elle n'était pas au courant de son passé, ou plutôt des circonstances de sa mort, sinon elle n'aurait pas dit ceci sur ce ton là. Mais du moins, cela suffit-il à le renvoyer à sa culpabilité. Il était blâmable dans son handicap. Pourquoi avait-il manqué d'autant d'indépendance. Si elle ne lui avait pas tenu la main, s'il s'était débrouillé tout seul... Tant de si qui ne faisaient qu'aboutir à un vaste élan responsable de sa part et le sentiment fautif qui devait atteindre celle, qui avait eu à porter le poids de sa cécité.
Dallan ne voulait certainement pas se retrouver comme un boulet encore une fois. Il refusait qu'elle lui offre son aide, la sécurité en lui tenant la main. Il était un grand garçon et bien qu'aveugle, il n'avait pas besoin que quelqu'un le prenne sous son aile. Enfin, c'est ce qu'il pensait ou voulait penser. Les choses n'étaient pas si simples et il était peut-être déjà trop enfoncé psychologiquement, pour s'autoriser à envoyer balader ce qu'on lui offrait. De toute manière, l'Arbre n'aurait pas accepté de le regarder se couvrir de mélancolie, sans agir. D'où la présence d'Éliane ?

Ses prunelles à la teinte presque absente représentaient pour une fois l'état d'esprit de Dallan. Il était effectivement loin, ressassant là des souvenirs piteux. Si éteint soudainement, il sursauta même, quand elle lui dit avoir besoin de faire une rétrospection avant de se décrire. « Hum. » lâcha-t-il simplement, comme une acceptation. Il ne vit même pas passer les cinq minutes de silence, ne les sentant points. Son esprit s'égarait sombrement, jusqu'à ce qu'elle fasse de nouveau acte de paroles, pour parler d'elle-même cette fois-ci. Il se redressa légèrement, cherchant de nouveau la concentration, se murmurant silencieusement d'arrêter de penser trop, sachant qu'à force elle sentirait son trouble. Or, il voulait garder cet aspect triste de sa personne, pour son lui intérieur. Les gens n'aiment pas entendre parler des tristesses des autres, paraissait-il ? Ça lasse, ça ennuie, déprime. Reprend toi Dallan, ton masque de glace est peut-être figé pour l'éternité, mais l'aura que tu dégages, elle est trouble, mouvante à chaque seconde... Alors reprend toi.

Tout d'abord, elle lui parla de sa taille et son poids, ce qui ne l'avança pas du tout, ce genre de notions restant trop vague à son ouïe. Sa peau était blanche, ses cheveux châtains...Hum, on disait de cette couleur qu'elle était plus ou moins banale. Beaucoup de filles les avait ainsi. Pour plus de précisions, elle lui informa qu'ils avaient les nuances du bois. Il hocha la tête, comprenant un peu mieux et un mince sourire passa sur ses lèvres, quand elle lui dit ne pas être une elfe, mais bien une humaine. Il s'était justement posé la question sur son état charnel. Le voilà rassuré. Pour autant, ce qu'elle lui avait dit, était encore une fois tout représentatif de son caractère simple. Elle ne lâchait que peu de précisions, allant juste à l'essentiel, osant pourtant passer par une comparaison avec ce qui faisait son art, sa personne. Le sens de l'écoute de Dallan était tel, qu'il était rare qu'on puisse vraiment passer par une description impersonnel, lui, trouvant toujours matière à y voir quelques aspects du caractère.

Vint ensuite le moment, où elle lui dit qu'il découvrirait le rester, seul. Il fronça enfin les sourcils pas très d'accord avec la suite. Bien sûr, les grains de beautés ne l'intéressaient guère, lui ayant grand mal à se faire une image claire que de ce que c'était, mais il avait besoin de détails quand même. Il aimait les connaître, pour avoir la vague impression de contourner son handicap. Car c'était bien la vue qui offrait le plaisir de contempler les particularités d'une personne. Après venait le toucher, finissant d'analyser chaque parcelle de l'autre. Seul le caractère restait une chose qu'il savait décortiquer avec soin. Cependant... Ce n'était pas suffisant ! Affreusement vague, floue ! Dallan ne voulait pas qu'elle s'imagine que puisqu'il ne voyait pas, il ne pouvait pas comprendre non plus. Alors il secoua la tête. « C'est important... » dit-il d'un ton amère, emprunt du regret qu'il avait de sa propre faiblesse. « C'est quand on a plus la possibilité de passer par les chemins communs... Ici la vue... Qu'on en veut plus justement. » expliqua-t-il, les yeux tournés au loin. « Les contours d'un visage... Ça s'ignore facilement et pourtant, moi je suis obligé d'en prendre compte pour définir ceux qui m'entourent. » Le voilà soudainement loquace, mais il se plaisait à partager son point de vue des choses. « Le détail de tes mains par exemple... C'est à même de me dire que tu es créative, authentique... Comme quand tu as parlé de l'évier pour remplir l'arrosoir... Les choses les plus minimes sont ce qui me permet de définir une ambiance, ou tout simplement un visage... Une expression. » Sa voix se termina dans un souffle, alors qu'il esquissait une nouvelle moue embarrassée. Il n'avait pas du tout l'habitude d'en confier autant. Mais cela lui fit au moins plaisir. N'était-ce pas là l'essentiel ?
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Message par Éliane Lun 25 Juil - 18:06

Lorsqu’elle eut fini de parler, la jeune fille nota de suite qu’il s’était passé quelque chose dans l’esprit de Dallan. Pendant son discours, et ses réflexions, elle avait été elle même trop prise par ses pensées pour réellement l’observer. Maintenant qu’elle était silencieuse, attendant une réponse, elle réalisait finalement que le jeune homme s’était égaré quelque part dans ses paroles. Peut être n’était-ce pas de sa faute, mais tout lui disait que c’était à la suite de ses mots qu’il était ainsi. Qu’avait-elle bien pu dire qui ne lui plaise pas ? La jeune fille chercha en vain. Elle ne savait décidément pas réfléchir suffisamment avant de parler. Si elle avait fait attention, si elle l’avait observé correctement en parlant, elle aurait pu savoir où elle s’était trompée et essayer de rectifier le tir. À la place, elle avait l’impression de l’avoir effrayé dans ses paroles. Elle ne voyait plus de sourire, et son regard, non qu’il soit devenu totalement froid, s’était tout de même légèrement assombri. Elle était certes assez maladroite, mais elle était très bonne observatrice. Ainsi, le jeune homme pouvait essayer de cacher sa gêne autant qu’il le souhaitait, elle réussissait encore à la percevoir.

Pour autant, elle ne savait pas bien analyser ses observations. Ainsi, quand il lui répondit en en demandant plus, elle y vit une explication de la gêne de Dallan. Il était donc déçu par elle, crut-elle. Elle ne savait décidément pas être à la hauteur des attentes des personnes. À cette idée, elle ne sut trop comment réagir. Les pensées sombres ne traversaient qu’exceptionnellement son esprit. La plupart du temps, elle les chassait de suite, ne se permettant pas d’aller mal. Après tout, pour mieux servir l’arbre, elle devait réussir à transmettre une chaleur qu’elle se devait de posséder elle même. Les rares fois où elle se laissait atteindre par la tristesse, elle s’éloignait de tout quelques heures, posait tout à plat afin d’éclaircir son esprit. Ici, elle ne pouvait décemment pas le faire. Elle ne laisserait pas Dallan seul ici. Elle devra se demander plus tard ce qu’elle avait à améliorer dans ses démarches d’aide. À présent, le mieux à faire était d’écouter et de répondre, simplement. Ne pas se laisser perturber.

Elle écouta donc sagement ses explications. Les détails étaient donc si importants pour lui ? Éliane n’était pas totalement d’accord avec le jeune homme. Bien sur, elle ne savait pas ce qu’était la difficulté d’être aveugle. Mais d’un point de vue totalement extérieur, elle pensait qu’il devait réussir à surmonter ce handicap au point de savoir remplacer sa vision perdue. Remplacer sa vision perdue… Quel concept étrange. Elle y voyait là dedans l’acceptation totale de la cécité. Oui, l’absence d’espoir, mais la joie de pouvoir profiter pleinement de ses autres sens, sans être triste de l’absence de celui-ci. Bien sur, c’était une action difficile. Il devait probablement ne pas être aveugle de naissance, ou il n’aurait pas eu autant soif de descriptions. Il était donc d’autant plus difficile d’accepter de ne plus s’imager chaque lieu, chaque tête…

Mais il ne pourrait pas vivre ainsi éternellement, non ? Un jour malheureux, ne risque-t-il pas d’oublier la couleur des choses ? Bien sur, il oubliera aussi tristement la tête des personnes aimées. Mais ce n’est pas la cécité qui causera cela, ce sera son décès. Il ne pourra non seulement plus revoir ses parents, ses amis, mais ne pourra non plus les écouter, ni les toucher… La mort était bien plus cruelle avec lui que sa cécité.

Celle là, il pouvait la combattre ! A Felinia, il ne perdra personne. Alors à quoi bon s’imager les gens que l’on ne verra jamais ? Oui, dans un sens, c’est s’avouer vaincu. Mais combattre pour connaître un visage que l’on oubliera finalement, ou que notre esprit modifiera au fil du temps, est-ce bien utile ? Effectivement, notre cerveau nous fait oublier tout, images, voix, toucher… Des images qui n’auront été décrites qu’une seule et unique fois ne vont elle pas être oubliées rapidement ? Ou même être modifiées ? Qui n’a jamais attribué à quelqu’un ou à quelque chose un détail qui ne lui appartenait nullement ? Ne valait-il mieux donc pas, dans le cas d’un aveugle, profiter de la puissance décuplée de son ouïe et de son toucher pour mieux s’en souvenir. La vue n’est qu’un élément parmi d’autres. Pourtant, il était bien sur horrible de se retrouver sans vue du jour au lendemain, et d’accepter cela. C’était un travail de plusieurs années. Éliane n’avait aucun droit de faire une quelconque remarque. Elle garda ses pensées pour elle. Après tout, elle philosophait seule de quelque chose qu’elle ne connaissait pas.

Elle fut tout de même heureuse d’un détail. Et quel détail ! Il s’était ouvert à elle. Il lui avait non seulement parlé plus longuement, mais ce qu’il avait dit lui semblait très personnel. Son cœur se réchauffait à cette pensée. Malgré tout, malgré cette maladresse, elle avait réussi : il avait confiance en elle. Quelle responsabilité… Il était désormais vulnérable face à elle. Pour peu qu’elle le blessa, cela serait plus douloureux que s’il avait entendu les mêmes mots d’une autre personne. Peut être allait-elle vite en besogne, mais elle ne connaissait les choses de l’amitié qu’à travers les livres. Elle interprétait ces paroles personnelles comme un début d’amitié. Et l’amitié dont elle avait entendu parler n’avait pas que des avantages. Cependant, la responsabilité était sienne. Et elle pouvait tout aussi bien le rendre d’avantage heureux. Elle pourrait aussi probablement de mieux en mieux l’aider s’il lui montrait de plus en plus de détails de sa vie, de sa personnalité. Quand il eut fini de parler, elle ne pensait donc déjà plus qu’à cette pensée réjouissante. Ses lèvres affichait donc de nouveau un sourire heureux.

Elle avait au moins appris une chose ainsi. Il voulait des détails. Un maximum de détail. L’exercice n’était pas tant difficile à cause de l’effort mental qu’il demandait. Non, il était difficile car pour être réellement satisfaisant, on se devait d’être honnête sur tout : ses qualités et ses défauts. Il fallait donc soi même les reconnaître, et être capable d’en parler, quitte à passer pour un frimeur, ou pour quelqu’un qui se dévalorise trop. Si l’on ne voulait pas avoir l’air ni de l’un ni de l’autre, il faudrait réussir à balancer les deux côtés. Mais on ne serait alors pas honnête. Quel hasard de l’univers voudrait que l’on ait tous autant de qualités que de défauts ? Cela ne fonctionnait malheureusement pas ainsi. Mais cette fois-ci, Éliane était loin de penser à tout cela. Elle ne cherchait pas plus loin que de satisfaire la volonté du jeune homme, sans se soucier de ce qu’elle laisserait alors transparaitre à son sujet.

Elle avait décidé de lui répondre au moins lentement, tout en observant ses réactions, pour ne pas rater ne serait-ce qu’un coin de l’œil s’attristant. Elle allait donc être précise. "Mes cheveux sont donc couleur arbre, et m’arrive jusqu’au hanches. Ils sont légèrement bouclés." Qu’en dire de plus ? Elle lui aurait bien proposé de les toucher pour qu’il s’en rende mieux compte, mais visiblement, il préférait les mots. Elle continua donc. " Ma tête est… plutôt carré. Mes sourcils sont fins, de la même couleur que mes cheveux. Mes yeux sont grands, verts, je crois. " Elle douta un instant. Elle ne se regardait que rarement dans le miroir, et son visage ne lui était donc pas si familier. " Mon nez est… un nez. Je n’ai jamais su réellement décrire les nez, désolé… Je peux te dire qu’il n’est pas gros ! " Elle rit légèrement après ces mots, malgré le léger sentiment de culpabilité qu’elle éprouvait. Ce n’était bien sur pas important, mais elle aurait aimé le satisfaire du mieux qu’elle pouvait. Elle se touche les lèvres, avec ce même sourire malicieux qu’elle affichait quand elle se sentait bête. " Mes lèvres sont fines et abimées, je crois que mes dents sont bien blanches. " Elle baissa les yeux à contre cœur. Elle ne pouvait désormais plus voir l’incidence de ses mots sur Dallan. Mais elle devait s’observer pour être le plus précis. " Mes bras sont fins, tout comme ma poitrine. " Elle rougit un peu à cette évocation. Le détail était gênant, mais nécessaire s’il voulait se l’imaginer correctement. " J’ai un petit bidon qui fait son apparition, car je mange trop. Mes cuisses et mes mollets eux, restent fins. " Elle tourna sa tête pour mieux voir son dos, le visage rougissant de nouveau. " Je crois avoir de belles fesses… Mais c’est difficile à dire. Elles ne sont pas tombantes en tout cas, elles sont fermes… " Était-ce réellement indispensable de rentrer dans ses détails ? Ce n’était peut être pas ce qu’attendait Dallan, mais c’était tellement difficile de réussir à trouver les détails qui l’intéresseraient finalement. Elle reprit. " Mes mains et mes pieds sont tous les deux très secs, abimés comme tu as pu le voir pour mes mains. " Elle ne voyait plus rien à dire.

Elle releva le regard pour scruter ses yeux. Une question qu’elle n’osait pas poser la titiller. Se souvenait-il lui même de ce à quoi il ressemblait ? Elle ne lui en demanderait rien. Pourquoi donc le torturerait-elle ainsi ? Non, elle se contenterait de dire ce qu’il attendait qu’elle lui dise. " Est-ce suffisamment complet ? Je suis désolé, je ne suis pas très douée pour me décrire. As-tu besoin, ou simplement envie que je te dise autre chose ? Ou peut être veux-tu que je t’aide dans la découverte de l’arbre ? Ou peut être veux-tu simplement faire un tour, ou être seul… Pour résumer ; que veux-tu ? " Elle réalisa qu’elle avait posé peut être un peu trop de questions et rit de nouveau légèrement, gênée.
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Message par Dallan Mael Sam 30 Juil - 4:26

De simples silences, mais des silences quand même. Que veulent-ils dire ? Pourquoi dit-on qu'un silence laisse supposer plus de choses qu'un mot ? Comme s'il avait le pouvoir de transmettre par l'atmosphère une sensation plus prenante que de banales paroles. Alors on ne se fit pas à notre latin, mais à notre vue non ? Parce qu'avec elle, l'Homme est à même de percevoir les rougeurs gagnant les tempes d'un de ses homologues, la moue d'une femme insatisfaite, où la grimace d'un ami en colère. Faut-il qu'on soit triste, que la vue peut le remarquer. Quand on est aveugle par contre, on se fit à l'ouïe. Alors un silence... Il ne représente rien. C'est un grand vide dans le vide ! Un nuage imberbe, transparent, inexistant ! C'est d'autant plus traumatisant qu'il suffit d'un rien qui transcende l'espace pour faire sursauter le malheureux.

Mais le silence... Celui dans lequel on se complait. Petit personnage ou jeu avec un roi. Celui qu'on laisse planer avec mystère ou juste par réflexion, tandis que l'autre argumente. A ce niveau, ça n'a pas de symbolisme, juste une politesse ou encore une pensée. Et quand Dallan se tait, la laissant se décrire. Lui que fait-il ? Eh bien il pense, se tait et imagine. Mais si la description est courte, sa pensée elle est longue. Car la balance à besoin d'être bien remplie, de même que sa réflexion. Petit puzzle mental qui doit jouer de lui-même pour inventer les détails qu'on lui cache. Si le caractère donne l'impression de colère, il le fera massif, s'il y a de la douceur, la bouche sera en cœur. Autant de clichés qui rendent la chose fausse physiquement, mais tenant la route mentalement. Alors il explique... Explique son besoin d'avoir une version claire et net de la personne à contrario de ne pas pouvoir la voir. Et s'attachant comme moule au rocher, il refuse d'abandonner complétement la vue. Personne ne peut se targuer de comprendre le malheur qu'engendre la cécité, sans le connaître. Peut-être un myope, sans ses lunettes sera capable de supposer l'instant d'un moment la gravité du monde floue qui l'entoure, des contours indéfinissables et des balbutiements de couleurs. Mais quelqu'un y voyant très clairement ne sera qu'un lambda parmi les lambdas.

Alors remplacer la vue par un autre sens. Quelle blague pour un aveugle. Ce qui lui manque devient irremplaçable, il comprend la teneur des choses, l'importance du sens perdu. L'insulte sera de vouloir lui faire croire qu'il pourra user d'un artifice pour compenser. Eh non, il ne peut pas ! Pourtant il rêverait de redevenir un simple quidam. Il meurt d'envie de se fondre dans la masse, de devenir un être invisible dans son trench coat noir ou beige. La marginalité pèse, elle rend seule, solitaire. Et bien que le loup ait des envies de meute, il ne peut que rester là, assit sur le sol à regarder les autres vivre pleinement tandis que lui chasse en galère, faisant son trou au milieu de nul part, se fiant à ce qu'on veut bien lui transmettre. Pauvre bête, pauvre garçon...

Félinia n'est pas un lieu pour les solitaires. Son nom offre une consonance à souder les gens. L'atmosphère douce invite à des conversations pleines de découvertes. Pourquoi pas. Pourquoi ne pas devenir ami avec machin et machine. De toute manière, il n'y a pas de raisons de se quereller, vu que dans ce monde d'éternité il n'y a rien à perdre. Il n'y aucun but à atteindre. C'est vide de sens, comme les pupilles de Dallan foncièrement froides. On a rien à en tiré depuis longtemps, alors à quoi bon ? Mais justement il n'abandonne pas. Ce rideau noir obstruant une quelconque vision est peut-être là, personnage cruel et pourtant il refuse de laisser les choses ainsi passer.

Alors détail, détail, détail ! Encore et toujours plus. Il mérite qu'on lui dise tout, qu'on use de sa salive à lui transmettre chaque pixel de ce qui l'entour. Avide de paroles et d'imagination, il n'oublie rien. Petit lavabo et mains sèches, il y pensera, retiendra à jamais l'information, même si les contours redeviennent peu à peu floutés. Un combat de Titans, bien qu'inutile. Allons, chaque guerre est inutile, puisqu'il s'agit là d'un caprice. Or Dallan est un humain... Et il est capricieux, alors qu'on lui laisse savourer l'espace d'un instant l'état du pêché... Le caprice doit avoir un goût de pomme... Ou de mort. Au moins a-t-il une substance, claire au toucher. Cela fait du bien, cela le rassure, même si l'essence en est immuable. Cela au moins le rapproche du lambda. Ils sont au même niveau, question pêché. Et tous, qu'ils soient aveugles, muets, sourds, même normaux, sont à genoux devant les sept pêchés capitaux.

Physiquement parlant, Dallan était presque à genoux, si ce n'est complétement assit devant Éliane, dont-il tenait encore la main. Il lui avait dit vouloir des détails et encore une fois, elle voulut bien s'appliquer dans l'exercice. Il eut alors un léger sourire en l'entendant reprendre plus en détail l'explication de sa personne. Si elle ne lui avait pas dis, Dallan n'aurait pas imaginer que ses cheveux soient si longs et bouclés. Dans un avenir plus ou moins proche il aimerait bien glisser ses doigts dans sa chevelure, pour s'imprégner de leurs ondulations. Quant à ses yeux verts... Il les assimila à un vert feuille d'arbre. Ça lui semblait naturel de s'affilier à cette nature dont elle aimait prendre soin. De même qu'elle était très simple dans ses paroles, il ne put lui-même retenir le léger rire qui l'anima quand Éliane lâcha quelques mots sur son nez. L'évidence... Qui pourrait donc avec précision détailler la courbure d'un nez. Pour le coup, il voulait bien comprendre que le toucher serait plus simple pour l'imaginer.

Doucement il pencha la tête sur le côté, le regard planté vers les hauteurs. Il mettait de mieux en mieux un visage sur le masque lisse qu'il se représentait. Éliane avait ses défauts, comme ses qualités, qu'il laissait glisser selon son envie sur l'image qu'il avait d'elle pour le moment. Un mince sourire passa sur ses lèvres quand elle parla de sa poitrine. Chose sans doute gênante pour elle... En plus, Dallan avait beau être aveugle, il n'en restait pas moins un garçon de dix neuf ans. Et ce genres de détails... Ajouté à celui sur ses fesses, ne pouvait que le faire sourire. C'est donc plutôt amusé, qu'il l'entendit terminer sa description sur ses mains et pieds.

Son visage se perdit ensuite dans une expression de légère surprise. Elle lui disait beaucoup de choses d'un coup. Lui en demandait beaucoup enfaîte. Il se passa une main dans les cheveux, se demandant s'il ne l'avait pas stressé par ses envies de descriptions. Une moue pensive gagna ses lèvres, tandis qu'il cherchait sans le voir bien sûr, son regard. « Tu sais... Je suis aveugle c'est vrai... Je suis pas vraiment indépendant dans ce milieu que je ne connais pas du tout... » commença-t-il d'un ton doux. « Mais tu n'as pas besoin d'être si... prévenante à mon égard. » Pendant un instant il réfléchit à ce qu'il venait de lui dire et se pinça les lèvres. Elle avait voulu être gentille avec lui et il avait peur que ses paroles le fasse passer pour un ingrat... Arf. « Enfin, non. Le prend pas mal hein ! » fit-il aussitôt. « Je veux dire que tu peux me parler comme à quelqu'un de normal... Si je t'ennuie, il suffit que tu me le dises. » conclut-il simplement. N'importe quelle tare physique inspirait la gêne à ceux qui devait y faire face. Or Dallan ne pouvait pas savoir si elle agissait par pitié ou si c'était juste dans son caractère. Se sentant de plus en plus stupide, il baissa la tête, soupirant longuement. Il devrait vraiment penser à réfléchir moins sur les actes de ses homologues. Ça lui ferait du bien au mental. « Enfin, tu fais comme tu veux » rajouta quand même Dallan pour la forme.
Dallan Mael
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Il n'est pas bon de s'aventurer de trop [Pv : Eliane] Empty Re: Il n'est pas bon de s'aventurer de trop [Pv : Eliane]

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